Carnets de voyage. Chapitre: L’ARBRE DE VIE

« On raconte bien des légendes sur cet Arbre.

Qu’il aurait vaincu le feu, survécu à la pénurie d’eau, que même le vent ne pourrait le déraciner ? Mais surtout, que tant d’années seraient passées qu’on ne pourrait lui donner d’âge… Il aurait traversé le temps, gardant en son écorce les traces de ses expériences.

On raconte bien des légendes sur cet Arbre…

Mais tous les sages de l’ile sonnent le diapason quand il s’agit de son histoire…

« Regarde fils, c’est l’Arbre de Vie, l’arbre de tes ancêtres », dit-il en caressant délicatement l’écorce de l’arbre, la main de son fils sous la sienne.

« Vois-tu comme il est beau ? Ressens-le. La force de l’âge! Regarde, il n’a même pas besoin d’être arrosé. Il va directement trouver ses ressources dans les profondeurs de la terre. »

Puis, il s’accroupit, laissant la main de sa progéniture sur le bois. Il prit un peu de sable dans son poing et ouvrit sa main, paume vers le haut pour laisser échapper doucement les grains entre ses doigts. Tout en levant le regard, pour croiser celui de son fil:

« Il pousse dans la terre rouge. Elle est riche cette terre rouge tu sais ? Elle a traversé bien des saisons bien des époques. Elle a son histoire. Elle a une âme !

A l’extérieur, elle semble parfois aride, mais à l’intérieur, elle garde en elle bien des miracles. Touche comme elle est rugueuse et douce à la fois ! »

Son fils le rejoint et comme par mimétisme, reproduisit les gestes de son père.

Les grains s’envolaient délicatement au souffle de la brise d’été.

Puis il montra de son index le pied de l’arbre.

« Et ses racines, vois-tu comme ses racines sont vigoureuses ? Elles sont si profondes, qu’aucun vent ne réussit à le déraciner ! Il s’accroche ! Il tient ! C’est important tu sais ?

Car plus il ira dans ses profondeurs, plus il trouvera de ressources, plus il pourra puiser en lui l’énergie dont il a besoin. Et plus il ira loin, mieux il pourra s’élever pour grandir vers le soleil. »

Le fils alors âgé de sept ans réfléchit un instant avec beaucoup d’implication puis, interloqué questionna son père:

« Papa, est-ce que ça veut dire que l’arbre pousse des deux côtés ?  »

Le père esquissa un sourire malicieux, l’œil frisant.

« Fils, l’arbre est comme nous, il pousse de toute part. Et comme nous, il a besoin de ses racines. Savoir d’où tu viens et comment tu as grandi sera toujours le point de départ de là ou tu iras. Et si tu l’oublies, tu t’oublieras toi-même… L’arbre sait d’où il part et où il va. »

Il se leva d’un bon et recula jusqu’à distinguer, en levant la tête, le haut de l’arbre… Son fils en fit autant.

« Regarde, il déploie ses branches fièrement, le feuillage majestueux.

– Mais papa, il penche sur le côté ! Pourquoi ?

– Fils, le chemin le plus heureux est celui que t’offre la vie. Et c’est le chemin qu’a suivi cet arbre. Tel un bateau gonflant ses voiles pour avancer, il a appris le sens du vent pour pouvoir mieux suivre le cours de sa vie. Mais ses racines, elles, restent toujours au même endroit. Et puis regarde mieux son feuillage…

Grand-Père disait de cet arbre qu’il souriait de Vie, qu’il ouvrait ses bras au ciel pour le remercier de lui offrir l’eau, la terre et la lumière dont il a besoin pour grandir. La planète le nourrit, tu vois, comme elle a nourrit notre Famille et nos Aïeux ! Et il a grandi comme chacun de nous sur cette Terre. Il a été un exemple, pour Grand-Mère Gaïa.

– Papa, un arbre déraciné est un arbre qui a oublié d’où il venait ?

– C’est un peu cela oui ! Il a oublié comment puiser ses forces en lui-même, comment s’accrocher et tenir face aux aléas de la vie. Il n’a donc pas suffisamment approfondi ses racines dans son terreau. »

L’enfant médusé comprit dans un silence…

Bien des années ont passé, et le jeune garçon grandit et tout naturellement fit le choix de devenir enseignant. Chaque année, il emmène les enfants du village, âgés de 7 ans, au pied l’Arbre. Dessinant un cercle, les enfants s’assoient en tailleur, sous les majestueux feuillages, autour du professeur, lui-même adossé contre le tronc. Et comme le fit son Père, son Grand-père et toute sa Famille, avant lui, il enseigne la philosophie et transmet la sagesse des enseignements nés de la Terre et de la Vie.

Et ainsi commence toujours son récit :

« On raconte bien des légendes sur cet Arbre.

Qu’il aurait vaincu le feu, survécu à la pénurie d’eau, que même le vent ne pourrait le déraciner ? Mais surtout, que tant d’années seraient passées qu’on ne pourrait lui donner d’âge…

Il aurait traversé le temps, gardant en son écorce les traces de ses expériences.

On raconte bien des légendes oui !

Mais on dit surtout de lui qu’il est ARBRE DE VIE… »

© Julie MECHALI / Tous droits réservés (photo et texte)